I have to take the air... | feat Natalia I. Iordanou

J'ouvrais les yeux, avalant rapidement de l'air qui m'était tout à fait inutile. Car bien sur, j'étais morte, et respirer ne me servait absolument à rien. Ma tête était penchée, mon cou tordu, et je découvrais l'affreuse sensation du bois sur ma joue presque endolorie. Presque, car les vampires ne sentaient pas la douleur humaine. Ils ressentaient la vraie douleur, celle qui déchirait le corps et l'âme, celle qui donnait envie que l'on vous plante un pieu dans le cœur. J'avais déjà assisté à la mort de certains de mes confrères, et je pouvais dire sans hésitation que c'était un spectacle en tout point affreux et dégoutant. Pourtant, j'y restais insensible, comme je pouvais l'être d'habitude. Je n'avais jamais peur, je n'étais jamais triste, je n'étais jamais heureuse. Autant humaine que créature sanguinaire, les émotions et sentiments m'étaient pratiquement étrangers, et les sentir venir petit à petit en moi comme des parasites à cause de ce sang artificiel ne faisait que me rendre folle. Un rayon minuscule de lumière avait osé pénétrer dans la chambre sombre et froide, et je le fixais pendant quelques secondes, essayant de reprendre mes esprits. J'avais du trop écrire, et m'étais endormie sur mon bureau. Comme une bouteille de Tru Blood se trouvait dans mon champ vision, je l'attrapais pour ingurgiter la dernière petite gorgée qui y restais, et poussais un soupir d'exaspération. Il me semblait que celle-ci était la dernière de mon stock, et que j'allais bien devoir sortir de ma tanière pour voir quelques personnes. Il m'arrivait de passer des semaines enfermée dans mon appartement, et devoir en sortir était dur. Mon corps n'aimait pas la foule, mon cerveau non plus, et mon cœur n'en parlons même pas. Même si les vampires étaient censés vivre parmi les humains comme eux, et que la coexistence devrait être supposée facile, ils ne cessaient de nous regarder comme des créatures étranges, parfois inférieures. J'avais entendu quelques vampires dire que nous ne devrions pas les laisser nous mettre des muselières et les laisser prendre le contrôle sur nous de cette façon, d'autres qui prônaient l'amitié avec les humains, et même qui regrettaient leur vie mortelle. Je n'avais pas d'avis, je suivais les autres comme un animal de compagnie, pour faire le plus d'expériences possibles. Ce n'était pas avec moi qu'il y allait avoir de débats, je parlais dans le vide, et les dialogues que je pouvais entretenir étaient souvent vides de sens.

Mon buste se déplia, et je contractais et décontractais mes muscles pour reprendre possession de mon corps. J'avais soif. Ou faim. C'était la même chose. J'avais envie de sang, et plus j'attendais, plus je courais le risque de m'attaquer à un pauvre humain sans défense dès que je sortirais de cet immeuble. Ce que j'appréciais dans cet endroit, était le calme. Pas de bruits pour embêter mon ouïe. Je n'aimais pas particulièrement mes sens surdéveloppés, et cela pouvait se trouver être un véritable désavantage dans certaines situations. Moi qui n'aimait pas être dérangée, le fait de devoir endurer le bruit de gouttes qui coulaient du lavabo était déjà un supplice. Je reculais ma chaise, faisant crisser les pieds sur le plancher, et poussais sur mes jambes pour me tenir debout. Je devais avoir l'air d'une pauvre fille hospitalisée, habillée d'un grand t-shirt blanc, étant aussi maigre qu'un clou et avec un teint blafard. Je me dirigeais pieds nus vers les grandes armoires, tout en me préparant psychologiquement à la vue de tous ces gens, et échangeais mon t-shirt contre un autre, de couleur bleue foncée et qui m'arrivait aux mi cuisses. J'enfilais de grosses bottes, et fixais intensément la porte de sortie avant de m'y engager. Comme il n'y avait personne dans les couloirs -je n'aimais pas afficher mes capacités vampiriques devant les autres-, je courais avec une rapidité surnaturelle jusqu'au rez de chaussée. L'avenue n'était pas connue pour être particulièrement bondée, et je ne m'inquiétais nullement pour ça. Seulement, pour pouvoir me procurer cette boisson qu'était le Tru Blood, il fallait que j'aille un minimum vers le centre ville. Plus j'avançais, plus il y avait de monde, plus il y avait de regards dirigés sur moi. Je restais néanmoins stoïque, comme à mon habitude, fixant quelques personnes au passage qui détournaient bien vite le regard. Au bout d'un moment, je trouvais un endroit qui vendait des packs de cette boisson au goût métallique, et allais gentiment m'en fournir deux, que je portais dans mes bras. En ressortant de l'établissement, il était évident que plus de regards étaient dirigés dans ma direction. Y avait-il un endroit calme dans cette ville ? Glasgow n'était pas particulièrement peuplé, il fallait juste trouver l'endroit propice. Je n'avais pas envie de me renfermer dans mon appartement tout de suite, et eu l'idée de me balader vers les endroits éloignés. Le lac fut mon dernier choix, et je marchais, mes packs dans les mains, jusqu'à l'étendue d'eau.

Les rayons du soleil perçaient, et je plissais les yeux quand à cette affreuse évidence. Ce que je pouvais détester cet astre, et j'étais bien masochiste pour aller me fournir en Tru Blood en pleine journée. Tout était plus facile la nuit, il n'y avait plus d'humains, plus de foule, mais ce n'était pas pour le moins tranquille. Parce que les vampires savaient faire autant de bruit que les mortels, si ce n'était plus. Je ne prenais jamais part aux fêtes, aux assemblées et à tous les regroupements de vampires en général, qui étaient d'ailleurs plus réservés à ceux qui se nourrissaient encore de sang humain qu'à autre chose. Il semblait que ceux qui s'en tenaient au synthétique étaient plus solitaires et plus réservés. D'un pas lent, je me rapprochais, et observais quelque peu le paysage. Je n'étais pas particulièrement sensible à la beauté, et alors aussi magnifique le paysage soit il, cela ne me faisait ni chaud ni froid. Je ne comprenais même pas pourquoi les sentiments arrivaient si bien sur le papier, si je n'arrivais même pas à les ressentir en moi. Cela devait surement se passer à un stade inconscient. Et alors que je m'approchais de plus en plus, le bruit de l'eau qui s'agitait, aussi loin d'elle que j'étais, me parvint à l'oreille. Aucun humain ne l'aurait perçu, mais je n'étais pas humaine. Je m'arrêtais un moment, essayant de déterminer si d'autres personnes étaient là, mais il semblait qu'un solitaire s'y trouvait. Et si dans une grande étendue comme ça, seule, je ne pouvais résister au sang de l'humain ? S'il était un humain. Me rappelant de la température de l'eau, il me parut plus plausible que ce soit un vampire, et dans ce cas, je n'avais qu'à espérer qu'il n'était pas bavard. Quand j'arrivais finalement à une distance raisonnable de la rive, je parvins à identifier l'inconnu, qui était comme je l'avais prévu, un immortel. Pas n'importe lequel, William. Il ne m'était pas désagréable. J'arrivais jusqu'à l'endroit où il avait posé ses affaires, et m'accroupissais à côté, posant en même temps mes deux packs à côté de moi. J'entreprenais d'ouvrir bien vite une bouteille et d'avaler quelques gorgées de Tru Blood, avant de la reposer à côté de moi. « William. »

Je ne m'étais jamais baignée ici. Pourtant, ce n'était pas la première fois que je m'y rendais, mais d'habitude, je m'allongeais dans un coin pour me ressourcer. Il semblait avoir pris du plaisir à nager, et je me demandais si peut-être je ressentirais une quelconque émotion à pratiquer cette activité. Je restais quelques instants à fixer l'étendue d'eau, avant de me lever et d'enlever mes habits un à un. Les vampires étant loin d'être pudiques, et c'était donc complètement nue que je rentrais dans l'eau sombre du lac/rivière. Ce n'était pas froid. Ce n'était pas particulièrement chaud. Je ne ressentais pas particulièrement de sensation, à part celle bizarre de ne pouvoir bouger mes membres qu'au ralenti. Lorsque je restais immobile, c'était pratiquement comme si mes membres étaient à l'air, mais dès que je bougeais, je ressentais la pression de l'eau. C'était étrange. Je plongeais ma tête sous l'eau et ouvrais les yeux. Ce n'était pas exactement une vue particulièrement jolie, mais j'aimais garder ma tête ici. Bizarrement, je me sentais coupée du monde, comme enfermée dans un monde qui n'appartenait qu'à moi. Je repliais les genoux, évitant quand même de remonter à cause de la poussée, et restais quelques instants comme ça, avant de nager sous l'eau jusqu'à l'autre vampire. Je n'avais pas besoin de sortir la tête, respirer m'était inutile, et arrivée à destination, je m'autorisais quand même à me remettre à l'air, la tête dépassant juste. « Je ne pensais pas que tu aimais sortir en plein jour. » J'entrouvrais la bouche, dévisageant celui qui se tenait devant moi, et restait parfaitement inexpressive. J'aurais aimé, rien qu'en introduisant mes doigts dans son crâne, savoir tout ce qui pouvait bien se passer dans cette tête. Il m'intriguait. Mais pas assez pour que j'ose lui poser des questions personnelles. De toute façon, est-ce que c'était d'usage, dans notre communauté ? « Tu aimes nager ? Je veux dire .. Tu ressens quelque chose de spécial ? » Je relevais une de mes mains qui étaient sous l'eau pour la mettre à l'air, et la gardais en puits pour garder un peu d'eau, avant de la laisser s'échapper entre mes doigts. « Je sais que tu n'en bois pas, mais .. Si jamais tu as faim .. » Je me retournais vers la rive où se tenait mes deux packs de Tru Blood, avant de revenir fixer dans les yeux le vampire.

Mon ouïe ne me faisait pas défaut, il y avait bien quelqu’un qui approchait dans ma direction ; mais de là à savoir si s’était un vampire ou simple humain m’était impossible. Néanmoins, je souhaitais vivement apercevoir la deuxième supposition. Cela faisait bientôt deux jours que je n’avais pas mangé à ma faim et une brulure intense léchait le fond de ma gorge. J’avais soif. Soif de sang... chaud et humain. Pourtant, le destin en décida autrement et c’est avec une certaine surprise que je vis s’avancer vers moi, Natalia, jeune vampire au régime particulier…

M’enfonçant un peu plus dans l’eau, j’attendis patiemment. Cela faisait maintenant quelques semaines que je ne l’avais plus revu. Je la savais enfermée dans son appartement à écrire et ruminer sur le bon sens de la vie et des sentiments. Pauvre petite… elle ne savait donc pas ce qu’elle ratait. Otant ses vêtements, elle finit par rejoindre le point d’eau, complètement nue, sans aucune gêne. Je ne pu m’empêcher de la regarder, détaillant les moindres courbes de son corps d’albâtre ; il fallait bien l’avouer, la demoiselle était vraiment belle. Néanmoins, je ne m’attardai pas. La nudité n’était en aucun cas un tabou parmi nous. D’ailleurs, pourquoi devrions-nous cacher ses corps parfaits, taillés dans le marbre par une main experte ?
Elle finit par entrer dans l’eau, sans aucune réaction ni émotions. Intrigué, je levai un sourcil mais ne pipa mots ; mieux valait t’il attendre qu’elle vienne à moi, ce serait plus simple pour engager la discussion.


Elle finit par ressortir de l’eau telle une naïade et se posta en face de moi. Un sourire aux lèvres, je fis mine d’être heureux de la voir ici. Certes j’aurais préféré resté seul à nager mais la présence importune de la demoiselle risquait d’être fort intéressante…

« Je ne pensais pas que tu aimais sortir en plein jour. »

Un son s’semblable à un rire s’échappa du fond de ma gorge, aussi musical que guttural. Cette petite avait le sens du l’humour et une étincelle scintilla au fond de mes prunelles turquoises. Je la trouvais particulièrement intéressante et pleine de bon sens. Il était vrai que je n’appréciais pas particulièrement sortir en plein jour, mais quand l’occasion se présentait, je sortais volontiers de ma vielle demeure. Il était tellement agréable de profiter des biens faits de la nature ; et étudier les humains en plein jour était devenu pour moi un réel passe temps.
Je passai une main dans ma chevelure imposante pour ébouriffer le tout – une manie vielle de plus de cent ans…- avant de lui répondre, un sourire aux lèvres :

« Et bien maintenant te voilà au courant ma chère Natalia. Je n’apprécie pas tellement le fait de sortir en plein jours, mais cela ne me dérange pas plus que cela…
J’ai su mis faire après tant d’années passé aux côtés des humains. »

Je finis ma phrase en tordant mon magnifique visage en une figure dégouté. Le mot humain en lui-même ne m’était pas tendre, seul leur sang m’importait, rien d’autre. L’humanité aurait pu tout aussi bien crevé sous mes yeux que je n’aurais pas levé le moindre petit doigt pour l’aider. Mais malheureusement, j’avais besoin de ses malheureux êtres pour survivre. Ils m’étaient indispensables. Mais à peine eu-je le temps de pousser la réflexion qui m’avait assaillit qu’elle reprit de plus belle :

« Tu aimes nager ? Je veux dire ... Tu ressens quelque chose de spécial ? »

Ou voulait-elle en venir au juste ? La bouche entrouverte, je me surpris à être désarçonné par la question. Si je ressentais quelque chose ? bien sur que oui... enfin … je crois. Je savais très bien que mon corps était mort, que mes sentiments n’étaient plus tout aussi forts et intenses que lorsque j’étais encore humain. Mais peut importe. J’aimais me dire que je ressentais autant de choses qu’auparavant, comme il y a plus d’une centaine d’années déjà.

« Oui, cela me détend. Je me sens … plus serein, relaxé, libre de toutes contraintes. Et puis, qui à t’il de mieux pour se vider la tête à part nager ? »

Assouvir sa soif peut être… mais là, c’était autre chose encore. Cette sensation était à part, unique, incomparable. Je ne pouvais pas concevoir ma vie sans pouvoir poser mes lèvres sur une peau douce et chaude, sentir le sang coulé entre les veines de ma proie. Sentir cette adrénaline, ce sentiment de jouissance et de puissance était pour moi devenu une véritable drogue. Je ne comprenais d’ailleurs pas ses vampires qui comme Natalia, buvaient de ce sang synthétique pour se nourrir. Où était le plaisir dans ce mode de vie ? cela me révulsait, mais comme Aidan, je laissais passer…
Mieux valait t’il qu’ils se rendent compte à quel point ils étaient absurdes en rechignant leurs propres natures, de se contraindre à être des bêtes en l’esse.

« Je sais que tu n'en bois pas, mais .. Si jamais tu as faim … »


L’œil noir, je réprimai une remarque cinglante. Apparemment, la jeune vampire ne savait pas à qui elle avait vraiment à faire, ou bien peut être était t’elle inconsciente ?
Peut importe, j’afficha un sourire ironique et répondit le plus galamment possible.

« Natalia ... pourquoi me proposes tu de boire cette immondice, alors que tu sais très bien que je suis totalement contre ?»

Naturellement, la question était rhétorique, mais je ne pu m’empêcher d’être piqué par la curiosité. Mon naturel revenait au galop et j’aurais pu me laisser tenter pour une nouvelle expérience mais c’était contre tous nos principes. Une entorse à la règle.

« Mais dis moi... cette boisson à t’elle un véritable gout de sang ? Est-ce ci identique comme le clame tous ses scientifiques ? Et toi ma chère Natalia … pourquoi avoir choisi ce mode de vie si précaire ? Tu m’intrigue je dois dire … »

J’avais prononcé ses dernières paroles sur un ton plus doux tout en me rapprochant d’elle. Cette proximité m’amusait réellement et jouer au chat et à la souris était sans nul doute mon passe temps favoris. Cependant, je gardai une distance raisonnable, ne voulant pas l’intimidé.

Je me demandais ce qui pouvait amener un tel sourire sur son visage. Était-il réellement heureux de me voir ici, dérangeant peut-être un rituel qui lui permettait, comme mes promenades, de créer un havre de paix et de solitude à l'intérieur de son être ? Si cela était vrai, j'aurais du m'abstenir. Mais encore une fois, je n'avais pas réfléchi. Il me semblait que les pensées glissaient de plus en plus facilement sur mon esprit et étaient beaucoup moins décortiquées qu'avant, et qu'il m'arrivait même d'ouvrir la bouche et de prendre la parole sans avoir réfléchi de longues minutes à ce que j'allais bien pouvoir dire. Cela me déstabilisait, et pouvait m'amener à exécuter des gestes ou à enclencher des conversations qui dépassaient mon niveau de compréhension. L'environnement et le moment s'y prêtant, j'étais à même en ce moment à présent de me comporter comme je le faisais à chaque minute que je passais à l'extérieur, analyser tous les comportements. Je ne différenciais pas les races, comme certains de mes confrères -et je l'imaginais très bien, William-, et prenais plaisir à essayer de comprendre les sous entendus de la gestuelle et des expressions faciales. Dire que les vampires avaient tendance à rester plus stoïque était peu vrai, car il m'avait été donné à voir de nombreuses fois des nouveaux nés qui se comportaient guère mieux qu'un simple humain. Il ne fallait pas s'attendre à devenir vampire le jour après la transformation, et chacun façonnait sa nouvelle personnalité comme bon le semblait. Si on me demandait de me décrire, surement que je ne trouverais pas les adjectifs, mais il devait exister d'autres personnes qui étaient mon exact opposé. Et un bon nombre.

Il riait, je restais inexpressive. A vrai dire, je n'avais pas eu conscience d'avoir fait preuve d'un quelconque sens de l'humour, comme je ne savais différencier les sarcasmes, l'ironie, et toutes ces choses qui devaient surement être au dessus de mon humble personne. J'étais plus douée pour l'observation du corps que l'analyse des intonations de la voix, qui devaient surement indiquer le sens d'une phrase, mais je faisais de mon mieux pour m'améliorer. Il ébouriffait ses cheveux, je passais machinalement une main dans les miens. Pour reproduire les gestes des autres, je devais avouer être dotée d'une certaine habileté. Je n'y réfléchissais plus.

« Et bien maintenant te voilà au courant ma chère Natalia. Je n’apprécie pas tellement le fait de sortir en plein jours, mais cela ne me dérange pas plus que cela…
J’ai su mis faire après tant d’années passé aux côtés des humains. »

Si le changement d'intonation de la fin de sa phrase ne me parvint pas aux oreilles, j'ouvrais mes paupières de quelques millimètres supplémentaires et penchais légèrement la tête à la vue d'une telle expression. J'aurais imaginé qu'il aurait pris un air condescendant, mais en aucun cas dégouté. Je ne comprenais pas exactement le dégout, sur quelles caractéristiques d'un homme ou d'un objet se basait ce sentiment ou cette sensation, mais peut-être était-ce l'une des nombreuses choses inexplicables qui me torturaient l'esprit. On pouvait le sentir, ou pas. Peut-être que si je continuais à boire du Tru Blood, je me rapprocherais encore plus de ces états qui n'étaient miens, et connaitrais le dégout. Sérieusement, cela ne me disait rien de bon.

« Le soleil est bien trop agressif. Je ne comprends pas pourquoi les humains le cherchent, et fuient le moment où il disparaitra pour attaquer quelques autres malheureux. »

Je perdais quelques instants mes yeux dans le vide, avant qu'il réponde à mon interrogation. Elles devaient sans doute passer pour primaires, comme un élève humain qui devait se questionner sur chaque chose nouvelle. Il me semblait les aborder d'un nouveau sens chaque jour, et même si cela faisait de nombreuses années -peu comparé à d'autres- que je revoyais les mêmes continuellement, la façon dont les autres les percevaient me poussait à en savoir un peu plus. Il semblait que j'avais été doté d'au moins un de ses instincts primaires et inexplicables, la curiosité. Au moins, il n'avait pas rit, et avait même gardé un léger silence.

« Oui, cela me détend. Je me sens … plus serein, relaxé, libre de toutes contraintes. Et puis, qui à t’il de mieux pour se vider la tête à part nager ? »

Sa définition ressemblait beaucoup à celle que j'usais lors de mes promenades nocturnes humaines. Je devais surement l'avoir dérangé, et le fait qu'il ne me l'ait pas dit de but en blanc m'intrigua. Après tout, je ne savais l'hypocrisie beaucoup utilisée chez les vampires. Remarque, je n'étais pas vraiment .. incluse dans cette société, dont je ne savais surement qu'un minimum d'informations. Je réfléchissais quelques instants à sa dernière question, n'ayant pas vraiment saisi surement la signification de rhétorique. Je bougeais légèrement dans l'eau, histoire de sentir l'effet que cela pouvait avoir, et répondait.

« Je ne sais pas. Et en fait, je ne vois pas exactement comment nager pour amener la tête à se vider. Tu as besoin de te vider la tête ? L'expression n'a aucun sens. Quand j'écris, je peux me vider la tête. Car ce qui est à l'intérieur, va vers un autre support. On ne peut rien faire disparaître, si ? Dans l'eau, où va ce qui .. « remplit », ta tête ? Et puis de toute façon, tu ne sembles pas être quelqu'un qui a vraiment besoin de .. ça. J'imagine. »

Je fronçais les sourcils, ayant embrouillé les pensées dans ma tête au fil de mes paroles décousues. C'est vrai, il était un vampire sanguinaire, il faisait un peu tout ce qu'il voulait.

« Natalia ... pourquoi me proposes tu de boire cette immondice, alors que tu sais très bien que je suis totalement contre ?»

Je ne saisissais pas la rhétorique de la question, et me replongeait alors dans une réflexion. Je n'avais pas passé suffisamment de temps à l'observer ni à lui parler pour le connaître, et je ne savais pas si jamais j'arriverais à un tel but. Si certains humains étaient relativement faciles à déchiffrer, certains vampires, par l'expérience de l'âge ou je ne savais quelle chose encore, avaient des caractères beaucoup mieux filés et bien sur plus complexes. Alors que j'ouvrais la bouche pour lui répondre, il attaquait avec une nouvelle question, et je ne pu rien faire de mieux que me taire.

« Mais dis moi... cette boisson à t’elle un véritable gout de sang ? Est-ce ci identique comme le clame tous ses scientifiques ? Et toi ma chère Natalia … pourquoi avoir choisi ce mode de vie si précaire ? Tu m’intrigue je dois dire … »

Il s'était rapproché de moi, conclusion faite à la sensation de la pression due au déplacement de l'eau vers mon corps, mais cela ne me dérangeait guère. Je ne pouvais pas être gênée, à proprement parler. Ou en tout cas, il me semblait qu'on avait oublié de m'implanter cette caractéristique purement féminine à la création.

« Ce n'est pas délicieux. J'imagine. Un goût un peu .. métallique. Ça ne peut pas être complètement identique, mais ça s'en rapproche. »

Je gardais un moment de silence, pour réfléchir à la seconde partie de ses interrogations. A vrai dire, je ne comprenais pourquoi il m'interrogeait comme ça, alors qu'il m'avait semblé lui avoir déjà tout dit, mais je n'allais pas jouer l'insolente et être méchante. De toute façon, je ne savais pas exactement comment jouer ce rôle.

« Je ne sais pas. Je ne sais rien. Cet humain avait de très bons .. arguments. J'ai encore un bon nombre d'années pour expérimenter, voici mon expérience de ces dernières années. Je dois avouer qu'il y a des effets notables, peut-être pas dans le bon sens du terme, mais j'attends de voir comment ceci évoluera. C'est intéressant. »

« Ce n'est pas délicieux. J'imagine. Un goût un peu... métallique. Ça ne peut pas être complètement identique, mais ça s'en rapproche. »

Elle avait surement raison, cela devait avoir un gout purement métallique. D’ailleurs, comment cette boisson aurait t’elle pu un beau jour remplacé le délicieux liquide chaud et exquis qui coulait dans les veines de nos innocentes victimes ? … c’était tout bonnement impensable et irréalisable. Cependant, je ne pu m’empêcher d’y penser. Et si un beau jour, tous mes frères succombaient à cette faiblesse ? Qu’adviendrait-il de notre espèce ? Autant de questions que je préférais mettre de cote, tant elles étaient ennuyeuses. Pourtant, rien qu’un instant, je me surpris à penser que j’aurais pu essayer cette supercherie un beau jour, juste histoire d’assouvir ma curiosité ; cela va sans dire.

« Je ne sais pas. Je ne sais rien. Cet humain avait de très bons... arguments. J'ai encore un bon nombre d'années pour expérimenter, voici mon expérience de ces dernières années. Je dois avouer qu'il y a des effets notables, peut-être pas dans le bon sens du terme, mais j'attends de voir comment ceci évoluera. C'est intéressant. »

Je ne pu m’empêcher de cracher par terre. Cette fille voulait me faire croire qu’elle s’était fait amadouer par un … humain ? Je finis par comprendre que ce n’était que la strict véritable à vue de ses grands yeux empli de sincérité. C’était vraiment … fascinant et répugnant, une chose qu’il ne mettait pas donné de voir depuis des années. Un vampire, apprivoisé, mené à la baguette par un amour mortel et fragile : un homme, un simple être humain. Bref, je savais maintenant pour qu’elle raison ma chère Natalia avait dévié de trajectoire. Elle avait surement du être amoureuse, ou quelque chose dans le genre ; en somme rien de bien passionnant.

J’ouvris la bouche un instant et la referma aussi sec, cherchant mes mots. Que pouvais bien lui à présent ? Devais la blâmer ? La punir pour avoir choisi ce régime alimentaire contre nature ? Cela me fait penser au jour ou Aidan et les autres membres de ma famille avions appris la nouvelle : nous avions été démasqué et l’arrivé d’un sang synthétique allait changer bien des choses. Ce jour là, nous avions longuement parlé, pris des décisions, fait des concessions et batailler. Mais en définitive, nous en étions arrivé à ce point : nous ne turions pas nos confrères si ils viraient de bord. Nous attendrions patiemment que la situation progresse ou régresse et reprendrons une décision le moment venu. Bien entendu, personne n’avait été au courant de cette petite réunion urgente qu’avaient organisé les Lords dans l’urgence et cela était préférable.

Je garda le silence un long moment avant de lui répondre, agacé :

- Je ne te comprends pas Natalia … comment as-tu pu te faire apprivoiser de la sorte par un être aussi faible qu’est l’humain ? Toi ! Belle, forte et indomptable que tu es… -soupir exaspéré- c’est un réel gâchis ! Pestais-je.

M’éloignant de la jeune femme, je pris mes vêtements et entreprit de ma rhabiller prestement. Je ne voulais pas vraiment m’attarder ici ; j’avais soif et cette discutions n’avait fait que l’amplifier. J’enfilai mon pantalon, mes chaussures et finit par mettre mon tee-shirt tout en revenant vers elle. J’aimais bien Natalia mais son régime mettait entre nous une certaine barrière invisible, tangible.

- Quelle gâchis répétais-je une pointe de déception et de tendresse dans la voix alors que je caressais son doux visage du bout de mes doigts. J’espère seulement que comme tu me la dit, ce n’est qu’une expérience et que tu reviendras vite vers nous, avec un régime alimentaire des plus normaux. -Je marquai une pause, plongeant mes yeux dans les siens, une flamme de curiosité dilatant mes pupilles- Mais au fait, qu’entendais-tu part « j'attends de voir comment ceci évoluera. C'est intéressant » ?

« Je ne te comprends pas Natalia … comment as-tu pu te faire apprivoiser de la sorte par un être aussi faible qu’est l’humain ? Toi ! Belle, forte et indomptable que tu es… -soupir exaspéré- c’est un réel gâchis ! »

Je n'aimais pas spécialement le ton qu'il prenait, mais je ne pouvais pas dire être surprise quant à sa réaction. J'allais à l'encontre de ses principes, surement, et je me doutais qu'il préférait vivement que j'aille ôter la vie à quelques stupides créatures humains plutôt que je me contente de boire un vulgaire liquide synthétique à la paille. Cela enlevait tout ce qui faisait de nous des êtres spéciaux, mais après tout, je ne voulais pas être particulièrement hors normes. Je n'avais pas fait cela par amour, parce que je n'avais aucun attachement sentimental d'aucune sorte en l'humain qui m'avait convaincue de commencer le régime Tru Blood, et on aurait pu dire que je n'avais absolument aucunes raisons d'avoir changé subitement de mode de vie. De toute façon, j'étais ce qu'on appelait une fille influençable, me ballottant au gré des avis et des pensées des autres. Si William commençait à vouloir me rendre aussi conservatrice que je pouvais l'être avant, je parierais sur le fait qu'il y arriverait en moins de deux. Cependant, j'aurais aimé continué un peu comme j'étais à présent, histoire de voir ce qui arriverait par la suite.

Je ne me laissais pas gêner par les compliments qu'il pouvait me faire, de toute façon je n'étais jamais gênée, même si je n'étais pas totalement d'accord avec eux. Indomptable, c'était bien faux, et il devait bien mal me connaître pour me caractériser de ce mot. Peut-être que c'était l'impression que je donnais, je n'en savais fichtrement rien, mais en tout cas j'étais persuadée à l'intérieur du contraire. Un gâchis ? Je ne concevais pas ce mot dans ma vie de vampire, persuadée que je vivrais bien trop longtemps pour qu'un court moment d'expérimentation devienne ceci. J'avais tout le temps devant moi, et ce n'était pas comme si cela changerait du tout au tout ma vie. Je pouvais très bien me balader dans la rue la nuit, accoster une jolie fille innocente et naïve, et la mordre dans le cou pour aspirer son sang la minute d'après. Je ne serais surement pas traumatisée, mon goût du sang était toujours le même. Je ne faisais pas partie des profils types des buveurs de Tru Blood, car tuer des humains ne me faisait ni chaud ni froid. Enfin ..

« Ne t'ennuies tu pas, toi ? Chasser, traquer, tuer, même si les lieux et les personnes peuvent être différentes, je me doute que tu as vécu assez longtemps pour y retrouver une certaine monotonie. N'aurais-tu pas envie de changer, quelquefois ? Se priver de boire du sang humain pendant quelques années, alors que l'on va en vivre encore des centaines .. Ce n'est pas grand chose. »

Puisqu'il s'éloignait, et je le suivis. Puisqu'il prenait ses vêtements, je prenais les miens. Puisqu'il se rhabillait, je remettais les vêtements que j'avais enfilé plus tôt. Je m'attendais à ce qu'il parte, mais il revint vers moi, pour me répéter encore une fois le mot gâchis.

« Quelle gâchis »

Je restais stoïque, tandis qu'il caressait mon visage du bout de ses doigts. Je ne refusais pas les contacts physiques, au contraire, mais il était rare que je ressente quelque chose. D'ailleurs, c'était une des raisons pour lesquelles je m'évertuais à le chercher plus encore.

« J’espère seulement que comme tu me la dit, ce n’est qu’une expérience et que tu reviendras vite vers nous, avec un régime alimentaire des plus normaux. »

Je déglutissais, en levant mon regard vers le sien. Vite, je ne le savais pas, mais y retourner, surement. A moins que je meure, ou qu'une quelconque forte raison me pousse à continuer ce régime pendant toute ma vie, je re gouterai surement au plaisir de la traque.

« De toute façon, je ne vois pas l'intérêt d'être vampire si c'est pour passer son éternelle vie à essayer de ressembler aux humains. Je me contente de cette situation pour le moment, et par la suite .. On verra. Je me contrôle mieux que je ne l'aurais espéré, mais je crains que l'envie de boire du sang humain ne refasse surface, plus forte .. »

« Mais au fait, qu’entendais-tu part « j'attends de voir comment ceci évoluera. C'est intéressant » ? »

Je m'étonnais de sa capacité à pouvoir redire mes exacts mots, mais c'était peut-être parce que moi même je n'en étais pas capable. Je n'avais pas dit ses paroles il y a un temps fou. Je restais muette quelques instants, avant de répondre.

« Disons que .. Certains de mes comportements changent, j'ai l'impression que ce sang m'a en quelque sorte plus .. humanisée. Je ne sais pas jusqu'où ceci ira, et même si ce n'est pas pour me plaire. C'est étrange .. »