{__Esthel Heather Bleichert

Oxford, début du dix huitième siècle. C'est l'époque où les premiers collèges sont crées dans cette ville universitaire aujourd'hui mondialement connue, reconnue et cotée. Et c'est dans cette ville que naquit Esthel. Un dix huit Avril, celui de l'année 1724. Elle fait partie de l'élite, d'une famille de noble. Bleichert, un nom réputé dans la région. Elle a une famille unie, tant qu'elle peut l'être. Un père très absent (l'armée, que voulez-vous), mais très affectueux. Sa mère, quant à elle, est toujours présente. Et puis, non loin de leur demeure, il y a celle de la famille Williamson, dont la maîtresse de maison n'est autre que la cousine de la mère d'Esthel. Ils ont eux aussi une fille, Heaven Amber Williamson. Alors, avec deux mères proches comme l'étaient les cousines, Heaven et Esthel n'ont pas réellement eu de journées l'une sans l'autre. Et des journées complètes ensemble depuis le plus jeune âge, je peux vous assurer que ça rapproche. Alors elles ont grandi ensemble, toujours collées l'une à l'autre. Elles ont rêvé ensemble. De liberté, d'un monde meilleur. Elles étaient utopistes, ça oui. Elles étaient aussi du genre à ne pas suivre le protocole, à faire le mur en riant pour découvrir Oxford de nuit. Elles avaient du mal à se tenir en haute société, toujours à rire de tout, et à finalement déguerpir dans un endroit où on ne leur présenterait pas de mari potentiel. Elles rêvaient d'évasion, de liberté. Et puis, quand elles ont eu vingt cinq ans, on leur a volé ces rêves.

« Heaven? »
Esthel trottinait avec difficulté dans le vaste parc de la demeure des Williamson. Les robes du dix huitième siècle, vous le savez probablement, ne sont pas aisées.
« Heaven, réponds s'il te plait! Où es-tu? »
Une partie de cache-cache? En quelques sortes... Voici plusieurs jours qu'Esthel ne voyait plus Heaven, qu'elle avait simplement disparu. A part quelques entrevues au détour d'un couloir qui étaient la plupart du temps suivie d'une course effrenée dans les couloirs pour la rejoindre, il n'y avait rien. Nada. Et ce soir là, le famille Williamson avait invité tout le gratin de la région, offrant à qui le voulait -ou ne le voulait pas d'ailleurs- une soirée ennuyeuse à mourir. Et d'habitude, dans ces cas là, le duo s'éclipsait assez tôt, soit dans le parc, soit dans une pièce calme pour parler et rire, soit à l'extérieur de la propriété. Mais il fallait croire que les habitudes avaient disparu ces derniers jours. Esthel avait vu son amie quitter la salle de reception seule, ce regard triste affiché sur un visage étrangement pâle, et s'enfoncer dans les télèbres du parc. Alors, elle avait courru dans la salle, interrompu quelques conversations par un passage trop rapide, et était sortie par la même porte que son amie. Et la voilà notre Esthel, seule au milieu d'une étendue de pelouse, guettant derrière chaque arbre alentour où pouvait se cacher Heaven.
« Si tu veux me faire peur, c'est raté! Tu n'as pas voulu me dire ce qu'il y avait, mais je le saurai d'une manière ou d'une autre, crois-moi! »
En évidemment, en pronçant ces paroles, elle ne se doutait pas une seule seconde de ce qui l'attendait. Oh, elle saurait bien sur ce qui avait changé Heaven. Mais si elle l'avait su avant, croyez-moi, elle n'aurait pas eu ce sourire espiègle en prononçant ces quelques mots.
« Esthel... »
Une vois étrange émanait d'un groupe d'arbres à une dizaine de mètres. La brune reconnut la voix de son amie, bien que celle-ci soit différente de d'habitude. Et quand elle entendit son prénom, Esthel ne put retenir un frisson. Elle s'approcha de l'endroit d'où venait l'appel de Heaven. Elle la vit tout de suite. Assise, adossée à un arbre. Pâle, comme d'habitude depuis quelques jours.
« Tu vas me dire ce qu'il y a ? » demanda alors encore une fois Esthel. Elle vit alors les grands yeux de son amie la fixer, et un sourire inquiétant apparaitre sur son visage. Que se passait-il? Le temps semblait s'être arrêté, et la fête qui battait son plein à quelques dizaines de mètres semblait si loin... Esthel ne reconnaissait plus son amie. Son amie, qui d'ailleurs se leva et s'approcha d'elle avant de lui sussurer à l'oreille ces quelques mots, les derniers qu'une Esthel de vingt cinq ans entendit : « Tu vas le savoir, Esthel... »

« Tu vas le savoir, Esthel... »
Les mots de la blonde raisonnèrent dans la tête d'Esthel. Sa voix semblait bien différente, une voix qui fit frissoner la jeune femme. Elle ne savait pas encore. Qu'ils étaient synonyme de la fin de la vie telle qu'elle la connaissait jusque maintenant. Et du début d'un cauchemar éternel. Elle n'a pas compris. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Le temps semblait s'évaporer, le monde réel semblait à des lieues de là. Et elle sentit Heaven fondre sur elle et des dents pointues se planter dans son cou. Esthel émit un cri strident qui ne fit paniquer aucun humain alentour, sans doute trop occupés aux courtoisies habituelles. Et puis, le monde sembla disparaitre sous ses yeux. Sa bouche se referma lentement, tandis qu'un voile blanc se glissa devant ses pupilles vertes. Elle quittait un monde insouciant, avec une promesse de non-retour...

« Ca n'existe pas que dans les livres... »
Esthel entendit ces quelques mots de loin, tandis qu'elle sentait les cheveux de son amie caresser son visage, alors que celle-ci s'éloignait du corps qui était encore inanimé quelques instants plus tôt. Elle ouvrit ses paupières lourdes. Et dès l'instant où elle reconnut Heaven , tout était différent. La nuit semblait à la fois plus claire et plus sombre. Les arbres à côté d'elles semblaient prendre vie. Le vent paressait venir de loin, comme d'un monde extérieur. Et ces gens qu'elle entendait rire, semblait de ce monde là, celui duquel elle ne faisait plus partie. Parce qu'elle avait quitté quelque chose. Sans forcément s'en rendre compte. Esthel fixa la blonde du regard, haussant un sourcil interrogateur. Et Heaven lui répondit simplement par un sourire étrange. Effrayant et affectueux. Esthel était différente, elle le sentait. Sa vision du monde était différente, mais elle aussi. Elle avait l'impression d'être partie pendant des années. Tout étai différent, mais tout semblait cependant le même. C'est alors qu'elle comprit. Elle passa sa langue sur ses lèvres tachées du sang de sa meilleure amie. Et ses yeux traduisirent l'incompréhension vis à vis du geste de Heaven. Elle fronça les sourcils et se leva. Soulevant sa lourde robe, elle traversa la vaste pelouse et s'arrêta derrière une immense porte fenêtre de la demeure des Williamson. Une perle de liquide lacrymal s'échappa de ses yeux tandis qu'elle regardait pour la dernière fois sa mère. Tout s'expliquait. Tout était expliqué. Esthel Heather Bleichert était maintenant un vampire. Et ce, pour toujours.

Ce soir là, elle quitta Oxford sans donner d'explications à personne. Elle savait ce qu'elle était, et elle ne voulait être aucune menace pour ceux qu'elle aimait. Alors elle partit, à pieds, tel un fantôme, errant le long des routes de la campagne britannique. Au petit matin, elle s'abrita dans une petite forêt à proximité de la route. Elle s'assit et dormit tout le jour, cachée de son nouvel ennemi le soleil. C'est ce qu'elle fit pendant quelques semaines, marchant pendant les nuit, dormant la journée. Et puis, elle commença à la ressentir, la soif.


Heaven était là. Le corps ensanglanté de cet homme également. Esthel se redressa de celui-ci, léchant ses lèvres imprégnées du sang de sa victime. Ce qu'elle ressentait à ce moment là? Du dégout. D'elle-même. Mais aussi du plaisir... De ses grands yeux tristes, elle regarda Heaven, qui se tenait debout à quelques mètres de là, les mains sur les hanches. Sa meilleure amie. Elle était là. Une larme s'écoula le long de la joue pâle de la brune tandis que son amie s'approchait d'elle. Cette nuit là, dans ce champ, elles parlèrent. Presque comme avant. Presque, car plus rien ne serait comme avant. Mais elles se promirent d'être là l'une pour l'autre. Pour toujours. Au petit matin, elles se cachèrent à l'obscurité, et dormirent. Esthel lui en voulait. Mais pour affronter l'éternité, il lui fallait sa soeur de coeur. Et pour celà, elle était prête à lui pardonner.

Pendant des années, les deux femmes voyagèrent. Découvrirent le monde, en firent le tour. C'était presque un bel aspect de leur nouvelle condition. Le temps n'était plus leur ennemi. Il était leur allié. Elles découvraient les plus belles villes de nuit. Pendant des siècles, elles tuèrent. Elles engendrèrent d'autres vampires, également. Esthel ne put jamais rester avec l'une de ses créations, redoutant de voir dans leur regard ce que Heaven avait du voir dans le sien. Voilà, Esthel avait un défaut : elle avait un coeur. Et parfois, lorsqu'il était trop dur de simplement tuer sa victime, elle lui faisait boire son sang. Et la mort quittait son corps.

Tru Blood. Deux mots & huit lettres pour une belle promesse. Un duo de vampire vient à Glasgow, plein d'espoir et d'attentes.